mercredi 20 janvier 2010

Haïti... que dire ?

Comme la plupart d'entre vous, je suis plus qu'attristé par ce qui se passe en Haïti depuis une semaine. Quand je regarde les images à la télé, les mots me manquent tant la détresse des haïtiens est immense.

On parle de 50, 100 voire 200 000 morts. Sans compter les innombrables sans-abri qui n'ont ni eau, ni nourriture (ce qui ne les change pas beaucoup me direz-vous) et qui doivent vivre au milieu des cadavres de leur famille ou de leurs amis.

Je ne comprends pas pourquoi ce sont toujours les plus malheureux et les plus pauvres qui s'en prennent plein la gueule.

L'écrivain haïtien et québécois d'adoption, Dany Laferrière, prix Médicis 2009, était sur place lors du séisme. De retour à Montréal, il a accordé une entrevue à Christine Rousseau du Monde qui a été largement relayée sur le web mais je vous en propose des extraits tant son témoignage est touchant.

"Il y a eu soixante secondes interminables où j'ai eu l'impression que ça allait non seulement jamais finir, mais que le sol pouvait s'ouvrir. C'est énorme. On a le sentiment que la terre devient une feuille de papier. Il n'y plus de densité, vous ne sentez plus rien, le sol est totalement mou...

Un énorme silence
est tombé sur la ville. Personne ne bougeait ou presque. Chacun essayait d'imaginer où pouvaient se trouver ses proches...
L'angoisse était totale. Elle a créé un silence étourdissant qui a duré des heures. Ensuite, on a commencé à rechercher les gens...

Après quoi, nous sommes passés voir le grand Frankétienne [dramaturge et écrivain], qui avait sa maison fissurée et qui était en larmes. Juste avant le séisme, il répétait le solo d'une de ses pièces de théâtre qui évoque un tremblement de terre à Port-au-Prince.

Il m'a dit: "On ne peut plus jouer cette pièce." Je lui ai répondu: "Ne laisse pas tomber, c'est la culture qui nous sauvera. Fais ce que tu sais faire." Ce tremblement de terre est un événement tragique, mais la culture, c'est ce qui structure ce pays. Je l'ai incité à sortir en lui disant que les gens avaient besoin de le voir. Lorsque les repères physiques tombent, il reste les repères humains...

Après le temps de silence et d'angoisse, les gens ont commencé à sortir et à s'organiser, à colmater leurs maisons. Car ce qui a sauvé cette ville c'est l'énergie des plus pauvres. Pour aider, pour aller chercher à manger, tous ces gens ont créé une grande énergie dans toute la ville. Ils ont donné l'impression que la ville était vivante. Sans eux, Port-au-Prince serait restée une ville morte, car les gens qui ont de quoi vivre sont restés chez eux pour la plupart...

Il y a une expression qu'il faudrait cesser d'employer à tort et à travers, c'est celle de pillage. Quand les gens, au péril de leur vie, vont dans les décombres chercher de quoi boire et se nourrir avant que des grues ne viennent tout raser, cela ne s'apparente pas à du pillage mais à de la survie. Il y aura sans doute du pillage plus tard, car toute ville de deux millions d'habitants possède son quota de bandits, mais jusqu'ici ce que j'ai vu ce ne sont que des gens qui font ce qu'ils peuvent pour survivre...

Les Haïtiens espèrent beaucoup de la communauté internationale. Si des choses sont décidées à un très haut niveau, dans le cadre d'un vaste plan de reconstruction, alors les Haïtiens sont prêts à accepter cette dernière souffrance. La représentation de l'Etat, à travers le gouvernement décimé, étant touchée, c'est le moment d'aller droit vers le peuple et de faire enfin quelque chose d'audacieux pour ce pays."

Les artistes de tous les pays se mobilisent pour récupérer des fonds. Il y aura un téléthon aux Etats-Unis vendredi, un autre au Québec, également vendredi, et un en France dimanche.

En outre, Charles Aznavour, Les Neg’Marrons, Passi, Grand Corps Malade, Youssou N’Dour et Stomy Bugsy, parmi une quarantaine d’artistes, ont participé à l’enregistrement d’une chanson, Un geste pour Haïti Chérie.
Je ne vous propose pas le clip car la chanson n'est pas très bonne...

En revanche, voici une belle toune de l'excellent haïtien, Wyclef Jean, composée il y a quelques temps pour son mouvement Yéle Haïti qui œuvre à faire renaître l'espoir dans ce pays qui en a bien besoin.



2 commentaires:

  1. Je profite de l'espace d'expression que tu as la bonne idée de mettre à notre disposition mon cher Yann, pour faire part de mon écoeurement et des interrogations que soulève ce drame.

    Ecoeurement d'abord pour les grands médias qui une fois de plus exploitent jusqu'à outrance cette catastrophe humaine - en attendant la prochaine- pour faire de l'audimat et du sensationnel. Pour répondre cyniquement à ta question, je crois que les plus pauvres et démunis du monde entier s'en prennent plein la gueule pour que l'on se souvienne de temps en temps qu'ils existent et que l'on parle un peu d'eux.

    Dégoût des grands de ce monde qui enfilent pour la circonstance leur costume de Zorro, et nous tiennent de belles paroles empreintes d'humanisme et de bon sentiment, alors que j'ai l'impression que le moteur de la mobilisation est plus hypocrite qu'humaniste :
    tiens, l'Europe envoie de l'aide, alors moi, l'Amérique toute puissante je vais envoyer pleins de soldats et plein d'avions remplis de matériels et de nourriture et encore plus d'argent parce que faut pas déconner, on est les gendarmes du monde. D'ailleurs pour le prouver, je vais interdire aux avions français d'atterrir juste pour montrer qui c'est qui a la plus grosse.
    Obama envoie Hillary sur place ? Ben moi, super Nico, roi des nains et de la France, je vais y aller moi même, na !
    Chinois, Russes, Indiens, Cubains, Vénézueliens, bref tout le monde envoie des hommes et de la logistique. C'est bien, évidemment, pour Haïti, mais j'ai l'impression qu'on retrouve à Port-au-Prince un condensé de la situation géopolitique du monde. Il faut être présent à Port-au-Prince pour tenir la place que l'on souhaite jouer dans le concert mondial !!!!

    Pourquoi ce pays, qui est au PNUD (http://www.ht.undp.org/public/projets.php) depuis des années, qui a essuyé tant de catastrophes depuis 1990, vit-il un tel drame ?

    Le bilan dramatique est à priori dû en grande partie à une grande densité de population qui habitait dans logements faits de brics et de broc, les installations sanitaires et de sécurité civile n'étaient par ailleurs pas non plus aux normes anti sismiques et n'ont pas pu être opérationnels dès les premières heures de la catastrophes.
    Pour moi, cela symbolise l'échec de l'aide au développement des pays occidentaux, qui sont capables d'injecter des centaines de milliards en quelques jours pour sauver les banques, mais qui depuis 10 ans réduisent consciencieusement le montant de l'aide aux pays en voie de développement. Que ce serait il passé, si au cours des 20 dernières années, on avait utilisé 1% du plan de sauvetage des salopards de la finance pour moderniser Haïti, construire des bâtiments capables de résister aux cyclones et autres tremblements de terre, former les agents de la sécurité civile, bref donné les moyens à ce pays à faire face à ce genre de catastrophe
    (à ce propos, hier dans la matinale de Canal et dans le zapping, on estimait que reconstruire intégralement le pays en le modernisant totalement coûterait 250 fois moins que le plan de sauvetage des banques.... voir http://player.canalplus.fr/#/309822 en fin de séquence)
    ?
    Que ce serait-il passé si il y avait eu du pétrole ou du gaz sur le territoire haïtiens ?

    Une deuxième réponse à ta question, serait aussi, qu'avant d'être victimes d'une catastrophe naturelle, ils sont victimes de l'égoïsme des nantis, de notre monde de fou qui marche sur la tête.

    Pour finir ma diatribe, il paraît que le montant des dons des français a déjà largement dépassé celui récolté pour le tsunami, dont 20 ou 30% à peine ont été réellement investis, le reste dormant à la banque....
    Avec ça, Haïti est sauvé

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  2. Que rajouter à tout ça ? Je crois que tout est dit !
    Merci ami Châu pour cette analyse pertinente. Ce type de catastrophe survient effectivement pour qu'on se rende compte que ces peuples malheureux existent encore.
    Il y a peu, les haïtiens mangeaient des galettes de terre à défaut d'autre chose, et ceci dans l'indifférence générale. Maintenant, ils se prennent cette même terre sur la gueule et on s'occupe d'eux. Dont acte...

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